Le 5 décembre dernier, le Pôle Santé du CDG 13 a organisé en partenariat avec la MNT et Addictions France, une matinée d’échanges sur la prévention et la gestion des conduites addictives en milieu professionnel, orientée principalement sur le risque alcool.
La mise en scène originale et dynamique de scénettes par la troupe THEATRI’CITES, couplée à l’intervention de professionnels de la prévention des risques professionnels et des addictions, préventeur, psychologue, médecins du travail, addictologue, ont permis de nourrir les questionnements des participants et d’éclairer sur la conduite à tenir.
La prévention des consommations de substances psychoactives constitue une obligation générale de résultat des employeurs publics et privés en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail).
Pour répondre à cette obligation, l’employeur est tenu de mettre en place une démarche de prévention adaptée, à savoir un ensemble d’actions destinées à prévenir et réduire les risques liés aux consommations des substances psychoactives.
Dès les premières modifications de comportement d'un agent présentant un comportement inhabituel, l’entourage de l’agent doit être en alerte. L’objectif est de protéger la santé de l'agent et d’éviter toutes les situations à risque par rapport à son activité, pour lui-même et pour les tiers.
Un partage d'informations doit être envisagé avec l’assistant de prévention, la RH ou la hiérarchie. Il est essentiel de réagir dès l’apparition de signaux faibles, pour éviter de se retrouver dans une situation de crise. Entre collègues, le sentiment de culpabilité, de délation et de crainte pour le devenir de l’agent, est légitime. En réalité, en parler permet d’agir pour aider l’agent à ne pas se mettre en danger ou mettre en danger les autres. En parler c’est l’aider….
Dès lors que le responsable hiérarchique est informé, il doit organiser un entretien avec la personne concernée.
L’objectif de cet entretien est d'échanger avec lui sur des faits observés et sur les difficultés rencontrées dans le milieu professionnel : l’agent arrive dans un état inhabituel, il ne respecte pas les horaires, ses relations avec les collègues deviennent difficiles, le manque de rigueur dans l’exercice de ses missions est problématique, ses absences au travail pour raison de santé sont fréquentes, des accidents de service ont eu lieu, le respect des règles de sécurité est remis en question...
Cet entretien est un exercice délicat nécessitant une préparation afin de ne pas stigmatiser la personne en la jugeant, ou en lui faisant la morale. L’encadrant doit savoir limiter son discours à la prise en compte des seuls faits observés au travail, de ce qui a pu se passer dans la sphère professionnelle.
Cet entretien pourra faire l’objet d’un compte rendu (fiche de signalement des troubles du comportement) établi par le responsable hiérarchique et transmis au médecin du travail (si orientation vers la médecine de prévention), et au service des ressources humaines.
Cette fiche marque la traçabilité de la situation avec l’agent, la situation est analysée pour permettre d’ouvrir le dialogue, l’agent est informé qu’en cas de besoin, il pourra être accompagné par le médecin du travail, une association de soutien ou un organisme extérieur.
Le responsable hiérarchique ou le DRH doit solliciter un entretien avec l’agent dès que les signes sont avérés pour lui expliquer que son comportement impacte le service et pour lui proposer un entretien avec le médecin du travail.
Le médecin du travail doit être sollicité dés les premiers signes d’alerte. Il pourra poursuivre le dialogue engagé par le responsable hiérarchique avec l’agent, faire prendre conscience à l’agent de son addiction et lui expliquer l’intérêt d’être aidé, lui proposer un suivi extérieur à la collectivité, dans un centre de consultations spécialisées (CSAPA…) lui garantissant la confidentialité et l’absence de jugement. Dans les faits, bien souvent, le médecin est sollicité trop tard, c’est-à-dire en situation de crise : agent se présentant en état d’ébriété, agressif, violent….
Les CSAPA : Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (coordonnées du centre le plus proche sur drogues-info-service.fr)
Ils s’adressent aux personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une addiction ainsi qu’à leur entourage. Les équipes pluridisciplinaires (médecins, infirmiers, psychologues, professionnels socio-éducatifs) des CSAPA assurent des missions d’accueil, d’information et de prévention, d’évaluation médicale, psychologique et sociale et d’orientation pour le patient ou son entourage ; de réduction des risques associés à la consommation de substances psychoactives ; de prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative.
La majorité des CSAPA accueille les usagers en ambulatoire. Certains proposent des services de soins résidentiels. Les CJC (consultations jeunes consommateurs) ont pour objectif d’accueillir des jeunes consommateurs ainsi que leur entourage. Toutes les conduites addictives peuvent être abordées dans ces lieux qu’elles soient en rapport avec l’alcool, le cannabis, le tabac, les jeux vidéo ou Internet.
Le Document unique d’évaluation des risques (DUERP) permet d’évaluer les risques liés à la consommation de substances psycho-actives pour chaque unité de travail, et éventuellement établir une liste de postes à risque et identifier les pistes de solutions. La démarche doit être co-construite et prendre appui sur les ressources internes : le service des ressources humaines, le conseiller ou l’assistant de prévention, les représentants du personnel, l’encadrement, etc.
Le règlement intérieur : c'est l'outil réglementaire le plus précis et le plus concret pour réduire ou supprimer certains risques professionnels. Il s’adresse à tous les agents et permet d’encadrer les consommations de produits psycho-actifs, l’introduction de boissons alcoolisées ou de les interdire, pour des raisons de sécurité au travail, d’interdire la présence de personnes en état d’ébriété, de fixer les conditions d’éventuels contrôles des consommations par éthylotests et d’informer sur les seuils de consommation, toujours dans l’objectif de protection de la sécurité et de la santé au travail. (Cf. modèle ci-contre)
L’alcootest peut être proposé dans le cadre du travail par l’employeur sous certaines conditions : le protocole doit être inscrit dans le règlement intérieur, se limiter aux agents occupant des postes à risques et désigner les personnes chargées du dépistage. On ne peut proposer de manière systématique un alcootest à tout agent, sans un impératif de sécurité au travail. Dans la procédure, l’agent doit avoir la possibilité, 1) d’être accompagné par une personne de son choix, dans la mesure du possible, 2) de contester le résultat de l’éthylotest et de demander une contre-expertise par éthylomètre, en présence d’une personne de son choix.
La charte de prévention des risques en santé et sécurité au travail liés aux conduites addictives annonce l’ensemble des mesures de prévention sans se substituer aux documents réglementaires (règlement intérieur, DU). Elle permet de rappeler la réglementation concernant la consommation de substances psychoactives dans le cadre professionnel, faire prendre conscience aux agents des risques encourus, les aider à tendre vers une consommation responsable et mesurée et définir les bonnes pratiques et conduites applicables dans l'établissement (notion d'engagement réciproque).
La fiche de retour au poste à la suite d’un comportement inhabituel au travail permet à la direction et/ou au responsable hiérarchique d’acter l’aspect organisationnel (aménagement de poste) et le suivi de l’agent dans son activité professionnelle. L’entourage professionnel joue un rôle important lors du retour de l’agent à son poste, l’encadrement doit aborder ce thème avec son équipe et rassurer les collègues qui souvent expriment des réticences en raison des faits passés.